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Nicholas Burns, secrétaire d'Etat adjoint américain aux affaires politiques

"Les Russes ne sont pas en position de modifier le projet de défense antimissile"

LE MONDE | 09.05.07 | 13h50
WASHINGTON ENVOYÉ SPÉCIAL







e programme américain de défense antimissile a suscité une rapide détérioration des relations russo-américaines, et bien des Européens ne sont pas convaincus de sa nécessité...

Je crois que le débat a évolué positivement. Lorsque la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, s'est rendue à Oslo, à la fin du mois dernier, pour une réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN, l'Alliance (atlantique) a eu une position très unie sur la défense antimissile et sur les sites envisagés en Pologne et en République tchèque. Nous avons commencé à informer l'OTAN en 2002. Ce n'est donc pas une proposition surprenante pour les Européens et la Russie, parce que cela fait des années que nous en parlons. Les Russes n'ont à la fois pas compris ni correctement décrit notre proposition. Il n'y a vraiment aucune chance que les dix intercepteurs que nous voulons installer en Pologne puissent avoir, comme ils le disent, un objectif offensif. C'est un programme défensif contre une menace balistique, notamment iranienne, qui peut ou non se matérialiser, mais contre laquelle nous devons nous défendre.


  Avec la France "il y aura davantage de convergences" 

Interrogé sur le président élu Nicolas Sarkozy, Nicholas Burns a déclaré au Monde :

"Plusieurs d'entre nous ont déjà eu la chance de le rencontrer. C'est quelqu'un qui est à la fois engagé, énergique et efficace. Nous avons déjà depuis deux ans une amélioration de nos relations avec la France, qui est pour nous un partenaire important et de confiance à propos notamment du Liban, de l'Iran et de l'Afghanistan. Donc, nous sommes déjà sortis de la crise de 2002-2003. Nous avons une grande confiance dans le gouvernement français, ce n'est donc pas une relation en crise.

Je pense que la conjoncture internationale va rapprocher la France et les Etats-Unis plutôt que les séparer. Nous pouvons avoir nos différences, mais je crois qu'il y aura davantage de convergences. Nous faisons face à des menaces et des défis communs que nous devons surmonter ensemble."

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L'Iran est pourtant à des années, voire une décennie, de posséder des missiles de longue portée...

Je ne le crois pas. Ils travaillent déjà sur le Shahab-3...

Qui n'a qu'une portée de 1 300 kilomètres...

Cela veut dire qu'il est d'ores et déjà capable d'atteindre certaines parties de l'Europe. L'Iran est un pays très capable, avec de nombreux talents et ressources. Il n'y a rien qui l'empêche de développer des missiles balistiques constituant une menace. Je le répète : ce que nous proposons, c'est un système préventif, défensif.

Les Russes disent qu'une fois ces sites en Pologne obtenus, il sera facile aux Etats-Unis d'y placer bien plus de dix intercepteurs, et surtout des intercepteurs de plus grande portée.

Eh bien, ils ont tort : ces sites ne pourront pas être modifiés pour accueillir des missiles offensifs, ce n'est pas possible. Les Russes doivent réviser leurs informations. Et comprendre qu'ils n'appartiennent pas à l'OTAN, donc qu'ils ne sont pas en position de modifier ce projet. Nous les avons écoutés, mais ils ont été tellement intransigeants dans leur position que la plupart des alliés de l'OTAN soutiennent maintenant notre proposition.

Les Russes vous ont entendus, mais apparemment pas crus. N'y a-t-il pas un danger de créer de nouvelles lignes de division en Europe et de relancer une course aux armements ?

Un système défensif ne peut relancer une course aux armements. Nous ne créons pas de nouvelles lignes de division : le secrétaire (à la défense) Robert Gates est allé à Moscou, il a proposé aux Russes de les inclure dans nos recherches. Si les Russes ont choisi de ne pas participer, c'est leur choix, pas le nôtre.

Moscou menace de quitter les traités INF (de 1987, sur les missiles nucléaires de portée intermédiaire) et CFE (de 1990, sur les forces conventionnelles en Europe).

C'est leur décision. Nous ne sommes pas d'accord et nous espérons qu'ils ne le feront pas, qu'ils respecteront leurs engagements.

Vous ne croyez pas que les Russes ont quelque raison d'être préoccupés de voir des bases militaires américaines s'installer à leur porte ?

Non, parce que ce ne sont pas des bases à proprement parler. Il y a eu de telles bases en Bulgarie et en Roumanie, mais nous n'y sommes plus de manière permanente. Ces installations sont modestes. Nous avions promis à Moscou que nous n'allions pas y stationner des forces de combat ou nucléaires substantielles, et nous avons tenu cette promesse. Les Russes le savent.

Quel est l'objectif final des Etats-Unis : avoir une défense antimissile globale, avec des intercepteurs en Alaska, en Californie et en Pologne, ainsi qu'en Asie avec le Japon ?

L'obligation fondamentale de notre gouvernement est de protéger notre territoire et nos citoyens, et aussi nos alliés...

Dans cet ordre-là...

Mais les deux ! Nous avions l'habitude de parler de défense antimissile "nationale", et depuis 2001 nous ne parlons plus que de "défense antimissile", parce que c'est une question globale : les Japonais en effet se sentent très concernés, mais aussi beaucoup de nos alliés européens.

Le risque n'est-il pas, pour les Etats-Unis, de perdre un important partenaire - la Russie - dans les négociations à propos de l'Iran ?

Je ne crois pas qu'il s'agira d'une conséquence. La Russie a un intérêt national évident à ne pas accepter un Iran développant des missiles nucléaires, donc je ne crois pas qu'ils quitteront cette coalition de pays à propos de l'Iran. La Russie s'est engagée, aux termes de la résolution 1747 (de l'ONU), à accepter une troisième résolution (de sanctions) si l'Iran ne respecte pas ses obligations.

Propos recueillis par Laurent Zecchini
Article paru dans l'édition du 10.05.07.